Arnaud Templier, le photographe augmenté

par | 9 Juil 2024

Imaginez un Templier débarquant à Santa Cruz de la Sierra,  ce « grand village » perdu dans les méandres de l’Amazonie.
Un chevalier des temps modernes, habitué aux contrées lointaines et aux aventures rocambolesques, se retrouve soudain plongé dans la chaleur moite et la vie chaotique de cette métropole bolivienne. Son CV est aussi long qu’un serpent amazonien et aussi varié qu’une forêt tropicale. Directeur de Création, photographe des Gobelins, affichiste pour Luc Besson, Arnaud Templier est un HPI de l’Art visuel. Nous l’accueillons pour parler de son exposition IA fraîchement tenue en Bolivie.

Bonjour Arnaud, on n’entend pas souvent parler de la Bolivie en lien avec l’intelligence artificielle. Pourrais-tu nous éclairer sur le contexte technologique du pays, surtout en ce qui concerne l’IA et l’art numérique ?

Effectivement ce n’est pas encore la Silicon Valley. Le tissu technologique global reste modeste ici, mais on a pu voir de-ci de-là des conférences sur l’IA pour les entreprises.

Ça progresse doucement, principalement dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Des universités boliviennes ont même enrichi leurs programmes avec des cours dédiés à l’IA. Mais le grand écart est énorme dans ce pays en terme d’accessibilité, ne serait-ce que financièrement et les inégalités s’en ressentent là encore. Et en ce qui concerne l’IArt c’est quasiment inexistant pour l’instant.

Ton exposition suscite beaucoup d’intérêt. Peux-tu nous parler de la genèse de ce projet ?

C’est une histoire à mi-chemin entre un brainstorming qui a mal tourné et un épisode de ‘Black Mirror’! Tout a commencé par une nuit sombre le long d’une route de campagne, alors que je cherchais un raccourci que jamais je ne trouvais. En clair ; alors que j’essayais de comprendre comment utiliser ce fichu programme de geek sans faire exploser mon ancien ordinateur, et après des mois et un nombre incalculable de redémarrages, l’IA et moi avons commencé à parler le même langage. C’est devenu mon nouvel ami venu d’ailleurs. Ensuite, tout est arrivé à moi dans un timing quasi calculé. Les choses s’ouvraient d’une manière presque chamanique.

“… QUE L’IA NOUS INSPIRE OU NOUS TERRIFIE, ELLE FAIT DÉSORMAIS PARTIE DE NOTRE PAYSAGE CRÉATIF.

Y a-t-il un fil conducteur ou un thème particulier qui relie toutes les œuvres présentées ?

Je vous dirais que c’est un peu comme entrer dans un bar à thèmes. À « la Casa de la Cultura », vous montez les marches et vous voilà face à un choix : à droite, c’est « Viva Bolivia » jusqu’au plafond ! Et à gauche, on se croirait revenu à l’époque coloniale, entre Marie Tudor et Jeanne la Folle. C’est ça, la Bolivie : un pied dans la poussière des Andes, l’autre dans les salons poudrés du Palais de la Zarzuela.

Du côté des institutions artistiques et culturelles, comment ont-elles réagi à ton exposition ? As-tu senti une ouverture d’esprit ou plutôt une certaine réticence face à l’art généré par l’IA ?

Étonnement la conservatrice du musée et la ministre de la culture ont été très emballées par le projet et ensuite époustouflées par l’expo sans pour autant comprendre vraiment ce qu’elles voyaient. Comme la plupart des visiteurs d’ailleurs. C’est pourtant bien marqué partout, mais les images sont déroutantes, tellement proches de la réalité qu’ils sont perdus à s’expliquer le pourquoi du comment. D’ailleurs 80 % des visiteurs n’ont aucune notion de se qu’ils regardent. Et après une explication délicatement vulgarisée, on ressent bien le bug dans leurs yeux, vous savez, comme une tête à la Jacques Villeret, avec la paupière qui clignote.